L'essence du freeride est simple à résumer: trouver de la bonne neige et faire sa trace dans une neige aussi fraîche que possible. Idéalement, le champ de neige est vierge, il n'y a encore aucune trace avant qu'on le le skie. C'est rare mais précieux. A l'autre extrême du spectre, il y a la piste, environnement sans neige fraîche mais totalement maîtrisé. Le freeride consiste à quitter cet environnement maîtrisé pour aller chercher cette neige vierge. Et sortir des sentiers battus (ou damés en l'occurrence) comporte des risques, et des coûts. Tout l'enjeu est de minimiser les risques et les coûts tout en maximisant la satisfaction.

Bref, le ski de piste, c'est votre compte d'épargne, et le freeride, c'est un produit financier... Dans les faits, comment ça se passe?

Il y a bien entendu l'approche méthodique, avec préparation, analyse des cartes, des topos, vérification de la météo, du matériel, des conditions d'avalanche, éventuellement l'embauche d'un guide. C'est efficace, ça permet de minimiser les coûts et les risques (ou du moins de les gérer). C'est bien évidemment l'approche raisonnable, celle décrite dans les guides et tous les sites Internet, je ne vais pas développer. Le propos de cet article concerne une approche plus spontanée.

Au préalable, pourquoi parler de spéculation? Je ne reviens pas sur le profit tiré du freeride (essentiellement du plaisir, tout simplement), mais ce plaisir vient avec ses coûts (pas forcément financiers tels que des efforts physiques liés à la descente elle-même mais aussi à l'approche, un long apprentissage de technique de ski; mais aussi financiers tels que du matériel spécifique qui peut aller de skis plus larges ou du matériel de recherche de victimes d'avalanche) et ses risques (l'environnement montagnard notamment en hiver, la difficulté de l'itinéraire, les obstacles, etc.).

L'approche spontanée, que tout skieur pratique dés le plus jeune âge, consiste à observer son environnement au-delà des pistes, et à identifier des opportunités: il suffit de regarder des gamins qui vont sortir de la poste pour skier entre les arbres ou sauter une bosse. Alors évidemment, il y a les opportunités évidentes, celles où on peut voir et observer la pente depuis les pistes ou les remontées mécaniques. Là, c'est assez simple: tout le monde a la même information, et ça se joue à "premier arrivé, premier servi".

Puis, il y a les autres, celles où le terme de spéculation prend tout son sens: information limitée et incomplète, aussi bien sur l'aspect résultat à espérer que coûts et risques. Il n'y a que des indices pour prendre sa décision, et ça se résume principalement à une seule forme: des traces. Leur présence ou leur absence, leur quantité, leur "fraîcheur", leur visibilité… Le truc avec la neige, c'est qu'une chute un tant soit peu conséquente a l'avantage de remettre le champ de neige à l'état de plaisir maximal, mais aussi d'effacer une partie des indices notamment les traces précédentes. De même, la fréquentation en montagne est changeante, tant en quantité de personnes qu'en "qualités": locaux vs. vacanciers, ski-bums vs. retraités, etc. Le résultat de tout ça est très simple: ces indices n'ont pas de signification fixée.

Et tout l'art de la spéculation consiste précisément à interpréter ces indices, et à agir en conséquence.

Quand il y a beaucoup de traces, c'est assez facile: il y a un consensus de marché qui s'est formé, mais du coup, on est très loin d'être les premiers arrivés… Donc oui, ce sera tracé, mais on peut raisonnablement espérer qu'il y a une pente à skier, qu'il n'y a pas d'obstacles insurmontables (tant qu'il n'y a pas de traces d'escalier qui remonte...). Ça n'empêche pas de s'inquiéter du risque d'avalanche, bien entendu, ça n'empêche pas qu'il faudra peut-être marcher ou pousser sur les bâtons.

Quand il y en a pas ou peu, c'est une autre histoire. Raisonnablement, il ne faudrait pas y aller. Et chaque skieur a ses histoires de galères, de "j'aurais pas dû y aller, je le savais", voire pour certains de drames. Mais… c'est clairement comme ça que se font les descentes légendaires. Celles dont on se souviendra longtemps, celles qu'on vantera auprès des copains (ou sur Youtube), celles qui font qu'on remonte sur les skis à la recherche d'autres indices, malgré les risques et les efforts, celles qui font que ce sport est magique.


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